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Analyses, Récits, Poèmes, ...
17 MARS 1992 :FIN DU MYTHE SUR
LA MORT DE NOS TROIS PAPAS
Dans la foi kimbanguiste, les trois fils de Papa Simon Kimbangu[1]
sont l’incarnation de la sainte trinité, c’est-à-dire
qu’ils représentent individuellement le Père,
le Fils et le Saint-Esprit. Il s’agit là d’un
dogme incontournable - d’une vérité absolue
- qui ne changera pas d’un seul iota, ni dans le temps
ni dans l’espace. Ne
comprenant rien aux saintes écritures, aux cantiques
divinement inspirés ni aux enseignements magistraux de
nos trois Papas, certains kimbanguistes avaient développé
de bouche à oreille une croyance erronée, selon
laquelle nos trois Papas resteraient physiquement en vie jusqu’à
l’infini. Ils s’imaginaient que le moment venu la
mort leur serait épargnée. Mais, le 17
mars 1992, à leur grande surprise, Papa Kisolokele Lukelo
décéda à Bruxelles. Ce fut un grand choc
psychologique et émotionnel qui ébranla inévitablement
en eux les frêles fondements de leur foi et de leur raison.
Énonçant sa sentence contre le péché
originel, Dieu dit à Adam: « ... Car tu es poussière,
et tu retourneras à la poussière ». (Genèse
3: 19.) En fait, c’est par ces quelques mots qu’il
édicta clairement le principe de la mort physique de
tout être vivant (animal ou humain) se mouvant sur la
terre.
« Beto babonsono
fua tu fua, nzila mu vutuka kuena nsendo; mputu vo mvuama
tukubama, mosi mosi e ntangu’andi », |
tel est le contenu d’un cantique kimbanguiste.
En français, cela peut se traduire de la sorte:
« Nous mourrons
tous afin d’aller recevoir notre récompense;
riches ou pauvres, préparons-nous en conséquence,
car l’heure de chacun de nous sonnera ». |
A travers ce cantique, on comprend parfaitement que la mort
est une preuve irréfutable de la justice divine, du fait
qu’elle ne tient compte ni de la beauté, de la
richesse, de la sagesse, de la grandeur, de la puissance, ni
de la race... de sa victime.
Réagissant aux folles rumeurs qui s’étaient
répandues sur sa mort présumée en octobre
90, Papa Diangienda Kuntima dit exactement aux fidèles
kimbanguistes de Mbanza ngungu (ex Thysville) :
« Dodokolo ba tata
ye ba mama, fua yi fua kadi kuna kakukuendanga nitu
ko ».(Message du
17 février 91).
Traduction
«Je vous prie tous de croire que je mourrai bien
un jour, car on ne repart pas dans l’au-delà
avec une enveloppe corporelle... ». |
Le 02 janvier 1992, à l’issue de la cérémonie
de présentation de voeux du nouvel an au Chef Spirituel
de l’église kimbanguiste par le corps ecclésiastique,
ce dernier (qui n’était autre que Papa Diangienda
Kuntima) les remercia et en profita pour parler une fois de
plus de la mort. Ce jour-là, voici ce qu’il dira
en substance:
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« Na ntangu’ekoya
soki tozali lisusu na mokili te, pamba te tozali koleka...
Ndenge nasi nalobi: tozali bapaya. Mokolo mosusu Papa
Kuluntu[2]
akokende, ou bien Papa Mfumu’a
nlongo[3]
ou bien Papa Mfumu’a mbanza[4]...
Ce qui signifie que:
« Plus tard, lorsque nous ne serons plus de
ce monde, parce que nous ne sommes que de passage sur
cette terre... Comme je viens de vous le dire: nous
ne sommes que des étrangers poursuivant la route
de leur destin. Un jour, Papa Kisolokele s’en
ira, ou bien moi-même Papa Diangienda ou bien
Papa Dialungana ». |
Malgré le fait que dès le départ, la conception
de la mort était claire aussi bien dans la Bible, dans
les cantiques, que dans les messages de nos trois Papas, on
a quand même eu une frange de nos frères et sœurs
kimbanguistes qui persistaient à croire que nos Papas
étaient physiquement éternels. Sur
quoi basaient-ils leur croyance ? Si ce n’est sur leur
propre ignorance, c’est donc sur leur très courte
mémoire. En effet Jésus-Christ, le Fils
bien aimé de Dieu, était mort avant de ressusciter
(Luc 24: 1-53). Idem pour Papa Simon Kimbangu , le Saint-Esprit
incarné (Jean 14: 26).
La limitation d’âge fixée par Dieu lui-même
(Genèse 6: 3) est tout à fait valable pour toute
personne née d’une femme, son statut spirituel
important peu. A partir du moment où la Sainte trinité
et ses anges s’incarnent pour les besoins pratiques de
leur mission sur terre, ils sont obligés de naître
et de mourir comme tout autre être humain. La mort de
nos trois Papas cadre parfaitement avec cette logique-là.
Fils aîné, de Papa Simon Kimbangu et de Mama Marie
Muilu Kiawanga, né le 12 février 1914 à
Nkamba; Papa Charles Daniel Kisolokele Lukelo mourut le 17 mars
1992 à Bruxelles (Belgique).
Si sa mort a eu lieu très exactement à cette date-là,
c’est parce qu’à la fin des années
cinquante, il avait lui-même déjà prédit
qu’elle interviendrait effectivement un certain 17 mars;
mais il n’avait pas précisé l’année
où elle se produirait. A vrai dire, il y a longtemps
que Papa Kisolokele Lukelo nous aurait quittés. Selon
Papa Diangienda Kuntima, la première fois qu’il
avait entrepris ce voyage de non retour, c’est Mama Marie
Muilu Kiawanga[5]
qui lui avait enjoint de revenir dans le monde des vivants,
car son heure n’avait pas encore sonnée. La deuxième
fois, il s’était plutôt heurté, pour
la même raison, à l’intransigeance de Papa
Dialungana Kiangani. N’ayant plus d’autre alternative,
il lui avait donc fallu attendre le 17 mars 1992 pour qu’enfin,
il put s’en aller pour toujours à l’âge
de 78 ans.
En 2002, le révérend pasteur Assumbe Lofoya, proche
collaborateur de Papa Diangienda au moment de cet événement,
avait fait à ce sujet un témoignage inédit
sur les antennes de la R.T.K[6].
Selon lui, l’ordre chronologique de la mort de nos trois
Papas avait été réglé par eux-mêmes
pendant la période de cinq mois passée à
Nkamba[7].
Papa Kisolokele, né en février,
devait s’en aller en premier ; ensuite c’était
au tour de Papa Diangienda né en mars, et enfin il revenait
à Papa Dialungana de clôturer ainsi ce fameux départ
qui les soustrayait de ce monde. En effet, ce dernier
est bien né en mai. Les observateurs avertis (friands
de menus détails) se rendront bien compte qu'en définitive,
le calendrier tel que révélé, avait été
respecté au millimètre près.
Poursuivant son témoignage, papa Assumbe avait éclairci
d’un nouveau regard les circonstances du départ
de Papa Kisolokele Lukelo. Selon lui, le 14 février 92,
Papa Diangienda lui avait confié la mission de téléphoner
à son frère aîné qui se trouvait
à Bruxelles, à propos de la date du voyage qu’il
comptait effectuer en Israël. Au bout du fil, Papa Kisolokele
l’avait chargé en retour de dire à celui
qui l’avait mandaté: « qu’il oubliait
un important détail ». Lorsque le révérend
Assumbe avait fait son compte-rendu à Papa Diangienda,
il avait alors entendu ce dernier s’exclamer : «
c’est vrai, j’ai perdu une partie de mon corps ».
Étaient présents: mama Bibi (épouse de
Papa Diangienda), papa Bobe (très proche collaborateur),
papa Charles (fils de papa Diangienda) et papa Kuyela alias
papa Morceau (chef cuisinier).
Basé alors à Brazzaville, papa Assumbe y était
alors reparti sur instruction du Chef Spirituel. Arrivé
sur place, il réservera la primeur de cette information
à papa Samba Paul, qui à cette époque-là,
était président du collège de l’E.J.C.S.K
au Congo. Étant donné qu’elle devait rester
confidentielle, l’information ne fut donc pas ébruitée.
Ce n’est que bien plus tard, quand le décès
lui avait été confirmé le 17 mars au téléphone
par papa Solo (fils de Papa Kisolokele) que papa Assumbe avait
fini par la publier.
Il est vrai que Papa Kisolokele Lukelo avait été
Ministre dans le premier gouvernement formé par Patrice
Emery Lumumba. Cela justifie-t-il pour autant l’impressionnant
déploiement militaire qui prit position au moment de
l’arrivée de son corps à Kinshasa ? Et également
de son départ pour Nkamba ? Papa Assumbe expliqua dans
son témoignage, la véritable raison de cet état
de fait. Selon lui, Papa Diangienda ne voulait pas que le corps
de son frère aîné soit lapidé. Afin
de lui éviter cette ultime humiliation, il avait décidé
de le transférer à Nkamba via Mbanza Ngungu, en
passant par Brazzaville. Pour ce faire, il donna le feu vert
à papa Assumbe pour régler sans tarder les détails
pratiques dudit transfert. Sur place au Congo Brazzaville, une
commission fut créée pour s’occuper de cette
affaire. Le devis établi par la compagnie aérienne
Sabena s’élevait à cinq millions de francs
CFA. Le « nsinsani » qui fut organisé à
cet effet permis de récolter quelque trois millions de
francs CFA. En un temps record, tout était pratiquement
fin prêt pour que le corps de Papa Kisolokele quittât
enfin Bruxelles pour Nkamba, avec au passage une escale à
Brazza et une autre à Mbanza Ngungu.
Curieusement, c’est à ce moment-là que tout
le plan de départ fut désorganisé. En effet,
ayant été informé à temps, l’ambassadeur
du Zaïre à Bruxelles (Belgique) s’en était
ouvert au Chef de l’Etat zaïrois Mobutu Sese Seko
qui, à son tour, avait intervenu auprès de Papa
Diangienda. Sa mise en garde aux autorités du pays avait
été claire : lui pouvait être lapidé
et mais pas son frère. Par contre, si au hasard, un seul
jet pierres atterrissait sur le corps de Papa Kisolokele, les
conséquences seraient alors très graves. S’étant
porté personnellement garant pour sécuriser au
maximum le convoi funèbre, le président du Zaïre
Mobutu Sese Seko avait fait poster les forces de police tout
au long du parcours. C’est à vrai dire, ce qui
justifie l’importante disposition de sécurité
mis en place pour les funérailles de notre très
cher et vénéré Papa Kuluntu.
Ici-bas, Papa Charles Kisolokele Lukelo avait revêtu un
corps d’homme à la fois imparfait et périssable,
dont la durée de vie était limitée dans
le temps et dans l’espace. Si d’emblée, sa
mort nous avait tant attristé et chagriné, c’était
surtout à cause de cette dure douleur de la séparation
physique. Mais en vérité, elle nous a causé
plus de bien que de mal, parce qu’elle a démenti
de façon concrète la fausse croyance de leur supposée
immortalité physique ; parce qu’elle a finalement
préparé la communauté kimbanguiste toute
entière à mieux accepter la mort de Papa Diangienda
et aussi de Papa Dialungana, parce qu’elle nous a incité
à entrevoir avant l’heure, la succession de nos
trois Papas.
Bref ! Il va sans dire que pour la mémoire collective
kimbanguiste, la date du 17 mars 1992 restera à jamais
un rappel historique: comme quoi, il n’y a pas d’exception
à la mort. Qu’on soit du ciel ou de la terre, le
corbillard nous emportera là où s’en va
se reposer les âmes. NGOMA
Saturnin
19 Mars 2010 NOTES
:
[1].
Papa Kisolokele Lukelo Charles Daniel. Papa Dialungana Kiangani
Paul Salomon. Papa Diangienda Kuntima Joseph.
[2].
C’est ainsi qu’on désignait
Papa Kisolokele. Kuluntu veut dire aîné.
[3].
« Chef de la cité sainte », ce titre revenait
de Plein droit à Papa Dialungana.
[4].
Chef Spirituel en kikongo.
[5].
Epouse de Papa Simon Kimbangu .
[6].
Radio television Kintuadi, propriété privée
qui n’a rien à avoir avec l’E.J.C.S.K.
[7].
Entre la mi-décembre 1988 et la mi-janvier 1989, Papa
Diangienda et ses deux frères ont passé ensemble
cinq mois d’affilée à Nkamba. C’est
au cours de cette période qu’a eu lieu spirituellement
la « remise et reprise » entre Papa Diangienda et
Papa Dialungana. C’est aussi au cours de ces retrouvailles
que nos Papas ont réglé à trois toutes
les questions liées à leur départ imminent,
à la « soirée spirituelle », à
leur succession et aussi à l’avenir de l’église.
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