Confusion au sein de l’Eglise kimbanguiste
Par
Le Potentiel, Kinshasa 16.04.2010
Les « voisins » se sont cru dans un film policier
du crû hollywoodien lorsqu’ils ont vu arriver et
prendre position une escouade de policiers autour de la résidence
du chef spirituel de l’Eglise kimbanguiste, « aile
Monkoto », à Ngiri-Ngiri, dans la nuit de mercredi
à jeudi. Au même moment, d’autres policiers
encerclaient la station de Radio Télé Kintuadi
(RTK). Tous se sont retirés avant le lever du jour, sans
mot dire.
La tension est, depuis la nuit du 14 avril 2010, à
son comble entre les deux « ailes » qui composent
l’Eglise kimbanguiste depuis 2002. La résidence
du chef spirituel de l’« aile Monkoto » à
Ngiri-Ngiri, Joseph Diangienda à Monkoto, a vécu
des moments d’intense émotion lorsqu’il a
vu sa résidence encerclée par des policiers.
Dans les mêmes circonstances, à Binza-Pigeon,
« sa » Radio Télé Kintuadi (RTK)
était assiégée par des policiers qui
en interdisaient toute entrée et sortie, la diffusion
de ses programmes suspendue. Arrêtés, les deux
techniciens et le journaliste Pitchou Wanketana, qui assuraient
la permanence de cette chaîne, ont été
relâchés quelques heures plus tard.
Le « bouclage », dont les tenants et les aboutissants
n’ont pas été dévoilés aux
« fidèles » malgré leurs vives protestations,
pourrait faire l’objet d’une action en justice
de la part des « victimes ».
De qui serait venu l’ordre de quadriller la résidence
de Monkoto et d’assiéger la RTK ? Jusqu’hier
après-midi, l’identité du ou des commanditaires
de cette opération policière, dans un conflit
qui oppose les chefs spirituels de « Monkoto »
et du « Centre d’accueil kimbanguiste »
de Kasa-Vubu, n’était pas encore dévoilée
au public. Des « autorités compétentes
» indiquant n’avoir « pas été
informées » de l’incident.
Interrogés, des fidèles de Monkoto jettent
un regard soupçonneux vers le « Centre d’accueil
», dont les dirigeants n’ont eu de cesse d’exiger
le « retour des dissidents » souvent menacés
de déguerpissement de Monkoto.
DOCTRINE DE L’EGLISE ET INTERETS MATERIELS
La crise, qui ronge dangereusement l’Eglise kimbanguiste,
remonte à 2002 lorsque des articles des « résolutions
de Nkamba » ont exclu les petits fils de Kimbangu des
lignées Charles Kisolokele (aîné) et Joseph
Diangienda (3ème) au profit de ceux de la lignée
Dialungana Kiangani (2ème), tous trois fils du prophète
Simon Kimbangu.
Le chef spirituel Simon Kimbangu Kiangani réside à
Nkamba (Bas-Congo), son frère « dissident »
Armand Diangienda « règne » à Monkoto.
En février 2002, des notables Ne Kongo avaient rencontré
le chef spirituel de l’Eglise kimbanguiste, Simon Kimbangu
Kiangani, pour s’informer des causes de la crise au
sein de l’Eglise du Christ sur la terre par le prophète
Simon Kimbangu, considérée comme « un
patrimoine communautaire national et mondial précieux
qu’il ne faut pas perdre ».
Leur démarche visait à rétablir le contact
entre les 26 petits fils du prophète, « pour
mettre fin aux frustrations et aux soupçons à
la base de la crise née de la publication des 63 résolutions
issues de l’assemblée générale
extraordinaire de l’Eglise tenue le 21octobre 2002 ».
Des résolutions ayant, aux dires des analystes, «
touché à la doctrine de l’Eglise mais
surtout aux intérêts matériels de certains
héritiers et de tous ceux qui sont rangés derrière
eux ».
« De quelque côté qu’on aborde la
crise, il paraît tout à fait évident que,
pour mettre fin à la crise, il est indispensable de
faire une fois pour toute une nette distinction entre la famille
paternelle et maternelle ou descendante et l’Eglise
», avaient observé les notables Ne Kongo.
« On doit aussi comprendre que les enfants Kisolokele,
Diangienda et Kiangani ont le droit de prétendre à
un patrimoine propre, fruit du travail de leur papa. Quant
à l’héritage spirituel et religieux, comme
pour tous les héros et les grands hommes, il ne peut-être
la propriété de la famille. L’organisation
mise en place doit elle-même édicter les règles
selon les quelles les successeurs du prophète devront
être distingués », avaient-ils fait remarquer.
Le ton alla se durcissant tant et si bien qu’en novembre
2007, le Collège exécutif national de l’Eglise
kimbanguiste avait demandé à « l’autorité
publique, garant de la sécurité et de l’ordre
public, de neutraliser les velléités d’anciens
Kimbanguistes dissidents, de prendre des mesures qui s’imposent
à l’encontre de la dissidence basée au
n° 87 de l’avenue Monkoto, dans la commune de Ngiri-Ngiri
».
Parmi les mesures, il avait proposé « la fermeture
pure et simple » de la RTK qualifiée d’«
instrument de mauvaise propagande, un média de nuisance,
sans déontologie et sans aucune éthique ».
Au ministre de la Justice, il avait suggéré
qu’« interdiction soit faite à la dissidence
d’user des labels kimbanguistes : ses couleurs, ses
emblèmes, sa liturgie », soutenant que «
l’Eglise kimbanguiste, dont le siège international
est à N’Kamba Jérusalem, est une et indivisible
»,.
Sollicitant la restitution à l’Eglise de «
ses installations confisquées par la dissidence au
mépris des règles sur le droit de propriété
», le Collège exécutif national avait
fait valoir que « les concessions officielles de l’Eglise,
c’est-à-dire les lieux de culte, d’activités
ecclésiastiques et évangélisation, les
lieux d’activités économiques et de développement
sont propriété de l’Eglise ».
« Par conséquent, ils n’appartiennent,
ni au prophète, ni à ses fils, moins encore
à la famille biologique du prophète. Parce qu’obtenus
avec la participation de chaque kimbanguiste à travers
le monde. Un peu à la manière de l’Eglise
primitive », avait-il justifié.
CONFLIT POLITIQUE ET DIPLOMATIQUE
Les dissensions endogènes avaient vite fait de se
répercuter sur le double plan politique et diplomatique.
Lors d’une séance plénière, l’Assemblée
nationale a levé l’option de s’impliquer
dans la résolution de la grave crise qui mine l’Eglise
kimbanguiste.
Dans certains pays limitrophes, ces dissensions internes
sont prises très au sérieux, à tel point
que, jusqu’à ce jour, le chef spirituel Simon
Kimbangu Kiangani n’a toujours pas été
autorisé à se rendre en Angola, qui héberge
pourtant une communauté importante de fidèles
kimbanguistes.
La crise a atteint toutes les paroisses de l’Eglise
kimbanguiste, tant en RDC qu’à l’étranger
où les fidèles sont tiraillés entre les
ailes « Monkoto » et « Centre d’accueil
».
Le « bouclage » encore inexpliqué de la
résidence du chef de la « dissidence »
et de la RTK est un événement que les pouvoirs
publics et les autorités religieuses doivent s’interdire
de minimiser.
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