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Elikya Mbokolo : « Le rôle de Simon Kimbangu ne
se limite pas seulement au Congo, mais à l'ensemble du
monde noir »
Kinshasa, le 28.07.2011
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La conférence internationale sur Simon Kimbangu
qui a commencé le dimanche 24 juillet dernier,
ferme ses portes ce jeudi. A cette occasion, le professeur
Elikya Mbokolo, président du comité scientifique
et d'organisation, a expliqué, au cours d'une interview
accordée à Forum des As, la personne de
Simon Kimbangu, son oeuvre et sa contribution à
la libération de l'Homme noir. Pour ce savant historien,
le rôle de Simon Kimbangu ne se limite pas seulement
au Congo, il s'étend à l'ensemble du monde
noir.
Mais aussi, la trilogie Kimbanguiste :
bolingo, mibeko, misala, sont des valeurs fondatrices
d'une société que le Congo peut s'approprier
pour un développement humain durable. |
Interview.
Quelle perception avez-vous de la personne de Simon Kimbangu
?
Déjà quand vous regardez bien, c'est un homme
de cette période. Finalement, il n'a pas vécu
très vieux. Il est né en 1887, et est mort en
1951. Donc, il a vécu 64 ans. Comme aujourd'hui au
Congo, on trouve malgré les conditions sociales des
gens qui vivent 70, 80 voire 90 ans. On, peut considérer
que cet homme avait la vie globalement courté. Il n'a
vécu vraiment libre que moins de 35 ns parce qu'en
1921, il a été arrêté, jugé,
condamné, emprisonné. Une prison à perpétuité,
dont il est sorti mort en 1951. Or dans ce temps très
court, il a fait énormément de choses. Sa prédication
de prophète est quelque chose d'extraordinaire. Les
messages qu'il a lancés sont des messages toujours
vrais aujourd'hui, l'église qu'il a fondée est
toujours vivante. Par exemple lorsqu'il a dit qu'au jour fixé
par le Seigneur, les noirs seront blancs, les blancs seront
noirs, à l'époque les gens riaient. Mais c'était
pour dire que les inégalités des races construites
par le système colonial, l'esclavage et la traite n'étaient
pas durables. Aujourd'hui à la tête des Etats-Unis,
il y a un homme qui est métis pour nous, mais considéré
comme noir. C'est donc un personnage colossal, qui a beaucoup
fait, beaucoup écrit, beaucoup marché, formé
beaucoup de disciples. Nous pensons aujourd'hui que son rôle
ne se limite pas seulement au Congo. Il s'étend à
l'ensemble du monde noir. On voit bien dans la conférence
que nous tenons actuellement, à Kinshasa, qu'il y a
beaucoup de noirs, lis ne sont pas seulement des Congolais,
ne vivent pas en Afrique, mais en Europe, aux Etats-Unis,
en Amérique centrale. Ils ont répondu oui à
la conférence parce qu'ils se sentent concernés
par le personnage de Simon Kimbangu.
L'initiative de réaliser cette conférence internationale
provient du chef spirituel de l'Eglise Kimbanguiste, Simon
Kimbangu Kiangani. Mais qu'est ce qui vous a séduit,
vous, hommes de sciences, pour adhérer à cette
pensée ?
Lorsque Son Eminence Simon Kimbangu Kiangani, nous a demandé
si une telle conférence était faisable, première
question, et deuxième question si nous voulions la
faire, nous avons accepté parce que le personnage est
important et son oeuvre est également importante. Et
puis, il y a une troisième raison : son Eminence nous
a dit: «moi je suis le chef de l'Eglise Kimbanguiste,
mais, je ne vous demande pas de devenir Kimbanguiste pour
parler de Simon Kimbangu. Parlez de lui en tant qu'homme de
science». Ça nous a paru un défi, un challenge
extrême. Nous pensions que nous étions capables
de le faire et nous pensions que c'était quand même
nécessaire que ce soient des enfants du Congo qui organisent
cette conférence, qu'elle se fasse à Kinshasa
et en particulier au Centre Kimbanguiste d'accueil et des
conférences. Donc, tout ça mis ensemble, il
se trouve que les professeurs qui sont membres du comité
scientifique et d'organisation, notamment le professeur Sabakinu
et moi- même. Nous sommes des hommes qui avons des réseaux
des chercheurs importants autour de nous. Nous avons mobilisé
ces réseaux et nous avons réussi à sélectionner
un peu moins de cents chercheurs de plusieurs nationalités,
des hommes et femmes, des gens qui sont vieux, très
vieux, d'autres qui sont jeunes. Je pense qu'on a là
un échantillon tout à fait représentatif
de ce qui se fait de mieux sur Simon Kimbangu et surtout sur
lès questions religieuses.
Quel sens donnez-vous à cette conférence pour
le Congo, l'Afrique et l'humanité tout entière
?
Pour le Congo, je dirai que vous connaissez la situation
de notre pays. Nous sortons d'un long cycle de guerre, d'instabilité,
de conflits et d'appauvrissement massif de notre population.
Les gens se demandent où est-ce qu'on va chercher des
références, des modèles pour construire
la nation, pour relancer la machine économique, etc.
C'est que la conférence montre, ce que nous montrons
et qui va être dit de la manière la plus précise,
c'est que dans la pensée de Simon Kimbangu et dans
la pensée des actes de l'Eglise Kimbanguiste, il y
a une dimension sociale, économique importante qui
permettrait aux Congolais de construire leur nation.
A l'époque de la deuxième République,
on disait beaucoup «inspirez-vous de la Chiné».
Comment Yu Kong déplaça les montagnes, mais
nous, allons dire qu'ici au Congo, nous avons quelqu'un, Simon
Kimbangu, qui a déplacé les montagnes, qui a
mis le système colonial en échec et qui, en
même temps, a créé une église qui
a des valeurs : bolingo, mibeko, misala. Des valeurs qui sont
fondatrices d'une société, parce que dans notre
société congolaise, il y a eu des conflits,
des morts, viols, etc. Quand on dit Bolingo, ça veut
dire réconciliez-vous pour vous aimer les uns les autres.
Quand on dit Mibeko, ça veut dire dans ce pays, il
y a eu des lois injustes, des violations des droits humains
considérables. Ça veut dire que nous avons besoin
des lois justes. Et quand il y a des lois juste, les gens
vont respecter la loi. Et Misala, ça je pense que c'est
vraiment très très important, parce que ce qui
fait la force d'un pays, l'Inde, la Chine, le Brésil,
les Etats-Unis, ce ne sont pas les richesses de leur sous-sol.
Le Japon n'a rien dans son sous-sol. C'est le travail des
gens, les travailleurs manuels, les ingénieurs, etc.
Donc, le Kimbanguisme peut nous fournir à nous autres
ce que Luther a fait pour l'Allemane, ce que Conficius a fait
pour la Chine, etc. Je crois vraiment que nous avons intérêt
à mieux connaître la pensée et l'oeuvre
de Simon Kimbangu et de son église.
A l'issue de cette conférence qui se termine ce jeudi,
qu'est-ce que vous attendez des participants ?
Les participants ont fait leur boulot, ils sont venus ici.
Ils ont renoncé à leurs charges et obligations.
Nous allons leur demander de nous laisser leurs textes ou
de nous envoyer sous peu, une version remaniée de leurs
textes en fonction des discussions qui ont eu lieu ici. C'est-à-dire
qu'il y ait un livre qui sorte de cette conférence.
Ce livre fera en quelque sorte le témoignage de ce
gui s'est passé pendant cette conférence. Evidemment,
nous aurons aussi les archives, tout sorte de documents, notamment
comment cette conférence a été préparée,
tout un côté administratif de l'affaire et derrière,
il y a tout un travail mais, je ne peux pas beaucoup en parler
avant la clôture des travaux. Il y a tout un travail
pour que les institutions de l'Eglise Kimbanguiste s'approprient
les résultats de la conférence, mais aussi pour
que les universités congolaises, en première
ligne l'université Simon Kimbangu, l'Unikin, l'Upn,
l'Unilu, en fait toutes lés universités intègrent
cette personnalité et son église dans leur programme,
et notamment dans leur programme de recherche. Ça,
c'est vraiment important.
Quelle différence faites-vous entre le prophète
Simon Kimbangu et les autres prophètes que vous connaissez
?
La différence, c'est que Simon Kimbangu s'est formé
dans la mouvance du christianisme et en particulier du protestantisme.
On n'a pas le temps de discuter longuement sur cela parce
que ça implique des conséquences. Mais, formé
dans la mouvance du protestantisme, il a fondé sa propre
religion. On ne peut pas dire que ça soit une religion
pour noirs, mais c'est une religion qui est explicitement
une religion de libération de l'homme. Parce qu'il
y a des religions qui oppriment les hommes, qui asservissent
les hommes. Le Kimbanguisme, c'est vraiment une réligion
de libération des hommes et des femmes. Je dirai que
c'est une religion qui convient plus particulièrement
à des pays comme le nôtre, notamment des pays
africains, lés pays latino-américains, les anciens
pays colonisés, les pays pauvres, parce que c'est une
religion qui appelle les individus et les sociétés
entières à se mettre debout pour aller de l'avant.
Qans le Kimbanguisme, on ne pleure pas, on ne chante pas,
on travaillé, on épargne, on cotise pour aller
de lavant. Et ça, je pense que c'est une leçon
que l'église nous donne.
Vous avez quelque chose à dire pour la communauté
Kimbanguiste, voire l'église Kimbanguiste ?
Moi, je dirai que les Kimbanguistes doivent être fiers
de leur religion. Nous savons que cette fierté ne veut
pas dire être agressif à l'égard des autres
religions. Dans cette conférence, vous avez vu que
nous avons invité d'autres dénominations, notamment
chrétiennes. Nous avons des collègues qui sont
venus nous parler de l'islam, d'autres qui sont venus nous
parler de Rastafarisme, des Mahikari, etc. C'est une fierté
par rapport à l'ensemble des croyants et par rapport
à ceux qui ne croient pas. L'autre chose importante,
c'est le fait qu'ils doivent s'efforcer de renforcer les liens
qui les unissent et s'efforcer d'affirmer encore leur personnalité
sur le plan religieux. Mais ça suppose qu'ils travaillent
intellectuellement leur foi, qu'ils réfléchissent
encore davantage à leur foi pour qu'elle soit plus
visible et mieux consolidée sur le plan intellectuel
et sur le plan culturel.
Propos recueilli par Rocco
NKANGA
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