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LA MERE DU KIMBANGUISME
L’enfant qui est porté sur le
dos de sa mère est un doux fardeau dont elle prend
grand soin. Avec amour et tendresse, elle se dépense
pour lui sans compter car c’est un fruit précieux
qu’elle désire voir mûrir. Devenu un homme,
des repères, des symboles l’aideront à
avancer vers l’idéal.
Plusieurs femmes dans le monde ont combattu
pour la survie et la paix de la cause pour laquelle elles
se sont farouchement défendues. Elles sont entrées
dans les annales de l’histoire en devenant des figures
emblématiques. Et maman Marie MWILU KIAWANGA NZITANI
est l’une d’elles. Le tracé de sa vie sera
reproduit de mille et une manières, sans en affecter
la réalité des faits. On parlera toujours d’elle,
de génération en génération, avec
un respect admiratif.
En 1914, Papa Simon KIMBANGU épouse
coutumièrement maman Marie MWILU et c’est au
cours de cette même année que naît leur
fils aîné, Charles Daniel KISOLOKELE LUKELO.
Les deux époux sont baptisés une année
plus tard, le 4 Juillet 1915, dans la rivière Tombe,
non loin de la Mission Baptiste de Gombe-Lutete, sans se douter
d’un iota qu’à eux deux, ils défricheraient
le monde pour essayer d’en raboter les aspérités,
et qu’ils représenteraient l’image d’un
rayon de lumière durant l’obscurité du
tunnel qui reliait péniblement au colonialisme, toute
une race meurtrie.
En accomplissement de ce qui avait été
prédit, le poids du destin scellé de Papa Simon
KIMBANGU et de maman Marie MWILU imprima des stigmates profonds
dans leur chair tout en les faisant voguer vers des horizons
hostiles…
Arrêtée le 15 Septembre 1921,
avec ses TROIS FILS, maman MWILU endossa le lourd manteau
du sacrifice, pour élever seule dans la persécution,
un très jeune enfant spirituel que son mari, Papa Simon
KIMBANGU n’avait pas eu le loisir de voir grandir progressivement
: LE KIMBANGUISME. Très maternelle, elle apprit à
cette jeune vie à tisser patiemment la toile d’amour
qui protégerait des souffrances et des injustices.
Maillon par maillon, elle forma et souda la chaîne qui
relia la fraternité et la solidarité kimbanguiste.
Tandis que des chansons égrenaient
sans répit, les maux des peuples d’ Afrique,
son amour absolu allait au-devant des égarés
de la douloureuse clandestinité. Elle taillait dans
la pierre et consolidait le signe éternel de la fondation
kimbanguiste.
Dans les temps anciens, les juifs (appelés aussi Hébreux),
furent les premiers à concevoir un DIEU UNIQUE et leur
livre sacré fut la BIBLE. C’est dans ces saintes
écritures que maman MWILU puisait sa force et sa croyance
; elle en extirpait la nourriture essentielle pour l’âme
des victimes éplorées, tout en leur enseignant
la merveilleuse législation de Dieu.
Puis, au soir de sa vie, elle fit appeler
son second fils, Salomon DIALUNGANA KIANGANI qui était
resté avec elle durant toute leur captivité
à Ngombe-Kinsuka, pour lui livrer ses ultimes recommandations.
Le 27 Avril 1959, Papa DIALUNGANA (43 ans), fit en «
kikongo », le récit de la dernière conversation
qu’il venait d’avoir avec sa mère. En voici
la transcription des grandes lignes développées
ici en français :
« Je ne me vois plus vivre longtemps, mais
que cela ne vous empêche pas de conserver et
de poursuivre l’œuvre que je vous laisse.
Une réalité me chagrine hélas
: vous ne vous aimez pas les uns et les autres. Dieu
a créé le ciel et la terre qui sont
liés par un trait d’union, et dans leur
fusion, ils se rejoignent en une ligne droite qui
borne l’horizon. Que le même amour vous
rassemble tous ; ne cherchez plus un autre intercesseur,
car si votre PERE n’avait pas quitté
ce monde, son œuvre ne se serait pas étendue.
Regarde comment j’en ai assuré la succession
depuis 1921, et comment j’ai poursuivi ma tache
jusqu’au démarrage de l’essor kimbanguiste
en 1956. C’est le symbole de mon témoignage.
A présent, je vais mourir car il reste encore
un bon nombre de choses à aller mettre au point
dans l’au-delà. Mettez l’unité
au-dessus de tout car s’il n’y a pas d’amour
entre vous, sachez que je ne franchirai pas la porte
du Royaume des Cieux. Restez en paix, restez en paix,
restez en paix ! Ne détruisez pas l’œuvre
de Dieu, l’heure de ma mort a sonné ».
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Elle salua de sa main deux personnes, et la
troisième à qui elle fit ses adieux ce fut moi,
son fils, en me disant : « voilà ta mission,
voilà votre mission, votre devoir à accomplir
». Je lui demandai alors : « mais, puisque mes
frères ne sont pas là, comment parviendrai-je
à assurer financièrement tes obsèques
? » A cela maman me répondit : « ne t’endettes
surtout pas ! Ne pleurez pas, ne tirez aucun coup de fusil,
mais plutôt, priez et chantez des cantiques de gloire
».
Après ces paroles, ses souffrances
s’accrurent et les gens se mirent à prier, mais
maman les arrêta en ces termes : « ne priez plus
car chaque que je tombe malade et que les gens font des séances
de prières, je finis par me rétablir or, en
ce moment, elles n’ont plus d’effet bénéfique
sur moi et je suis toujours souffrante ».
Quand elle eût prononcé ces paroles,
maman demanda que quelqu’un descende à la source
sacrée et qu’on lui en rapporte de l’eau
afin qu’elle prenne une douche. Une fois lavée,
elle souhaita revêtir des habits neufs puis elle demanda
du thé. Après qu’elle l’eût
bu, elle se sentit beaucoup mieux et me pria par la suite
d’aller m’occuper de la restauration des visiteurs.
Cela nous avait tous ragaillardi et nous avait rendu l’espoir
que maman resterait encore parmi nous. Mais à 23h30,
maman prononça ses dernières paroles : «
au revoir ! au revoir ! N’anéantissez pas l’œuvre
de Dieu ! »
Elle répéta cette phrase trois fois, puis à
minuit, maman expira. Elle mourut en paix, le 27 Avril 1959.
»(ici s’achève tout le récit de
Papa DIALUNGANA).
A la même date, l’évocation
de la mort de maman Marie MWILU KIAWANGA NZITANI fut relatée
par Papa Salomon DIALUNGANA KIANGANI lui-même et fut
aussitôt rédigée à Ngombe-Kinsuka
sous sa haute recommandation, afin que dans les jours futurs,
ceux qui en éprouveraient le besoin puisse lire les
étapes des ultimes instants de vie, de celle qui fut,
à n’en pas douter, la MERE DU KIMBANGUISME.
Aussi, en ce quarante huitième (48ème
) anniversaire de sa disparition, que chacun reçoive
en soi, le souffle de sainteté qui émanait de
la force tranquille de cette MERE !
Hélène
Gisèle
BOUKOUPreskiParoisse de Rennes
Rennes, France, 11 avril 2007
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