|
Documents,
Analyses, Récits, Poèmes, ...
6 AVRIL 1921 OU LES RAISONS D’UN
REVEIL SPIRITUEL
De tous les continents, l’Afrique où «
le noir est devenu blanc et le blanc est devenu noir »
(1) reste le seul à n’avoir pas fait un bond
en avant. Sur tous les plans (politique, économique,
social, culturel...), elle peine à avancer, à
décoller et à se développer. Si l’on
n’avait pas connaissance du véritable mal africain,
on aurait tout de suite donné raison à Raymond
Aaron (2) qui disait que: « l’Afrique est mal
partie ».
Mais pour nous kimbanguistes, ce petit bout de phrase ne veut
rien dire. Car, en réalité, l’Afrique
n’est jamais partie, elle fait du « sur place
» rien que du « sur place » depuis les «
années dipanda » (3). Bon nombre de ses dirigeants
embrigadés spirituellement par l’occident, ne
se reconnaissent pas en Papa Simon Kimbangu, ce père
spirituel dont le continent noir a tant besoin.
Pour cause. « L’Afrique est dirigée la
nuit » (4). Parole de Papa Diangienda Kuntima. Pour
preuve. En cinquante ans, nos pays riches de leurs sols et
sous-sols, se sont appauvris comme jamais auparavant.
Dans un texte publié en 1978 dans le SOEPI mensuel
(5), Monseigneur Desmond Tutu écrivait : « Dieu
n’a pas fait d’erreur en me créant noir.
Je ne suis pas une copie-carbone, je suis un original »
(6). Ces propos rejoignent évidemment la révélation
de Papa Diangienda Kuntima selon laquelle « Adam et
Eve étaient des noirs ».
Coupable du péché original et victime d’un
sévère lâchage divin (7), la race noire
a progressivement perdu le premier rang qu’elle occupait
pour devenir le rebut de toute l’humanité. Après
avoir été pendant longtemps, par le biais de
l’Egypte, le centre mondial du savoir, des arts, des
sciences... L’Afrique n’est plus que l’ombre
d’elle-même. Et ce, depuis que se sont accomplies
toutes les prophéties prononcées contre Esau
au profit de Jacob (Abidias 1: 2 et Romains 9: 11-13).
Au gré de ses propres intérêts, ce dernier
a soumis, domine et exploite son frère comme un moins
que rien. D’où, la traite négrière
(l’esclavage sauvage des noirs) et la colonisation (qui
a fait d’eux des étrangers dans leurs propres
pays).
Partout en Afrique, les peuples ont beaucoup souffert pendant
tout le temps qu’a duré ces deux « cauchemars
» de l’histoire. « Il a semblé que
l’homme blanc avait dès sa naissance sur l’homme
noir un avantage inhérent, qui faisait du premier l’enfant
favori de Dieu et du deuxième un simple beau-fils »
(8).
Devant ce sentiment d’injustice, les noirs (esclaves
ou colonisés) se plaignaient, se lamentaient, gémissaient
et priaient sous le poids des sévices, violences, travaux
forcés, humiliations et traitements inhumains. Mais
en vain. Ils se demandaient sérieusement « pourquoi
est-ce que nous, nous souffrons tellement ? » (9) et
cette question existentielle ne reçut aucun écho
significatif des siècles durant.
Même s’il a connu des crises de foi périodiques,
le noir n’a jamais douté de la merveilleuse existence
de Dieu. « Car la croyance à un être suprême
c’est quelque chose qu’il a ingurgité avec
la lait maternel » et « après tout, Dieu
l’a créé ainsi: dans son être africain
il y a un désir profond des choses spirituelles »
(10).
Patient et persévérant, le flot de ses prières
trouvera finalement dans les cieux une oreille attentive:
celle du Saint Esprit. « Parce que Dieu est toujours
du côté des persécutés »
(11). La promesse étant une dette, il était
donc dans l’ordre naturel des choses que ce dernier
vienne réaliser celle faite par Jésus Christ
à ses disciples. A savoir: « ... Il est avantageux
pour vous que je parte,car si je ne pars pas, le consolateur
ne viendra pas vers vous; mais si je m’en vais, je vous
l’enverrai » (Jean 16: 7).
Sa venue sur terre étant acquise, il fallait trouver
le lieu où reposeraient ses pieds. Si le choix s’est
porté sur Nkamba « nouvelle Jérusalem
», parce que c’est là que Dieu créa
l’homme. En dépit de cette révélation
capitale, Papa Diangienda Kuntima nous a appris aussi que
le Kongo constitue le paradis terrestre. Il a également
confirmé que les trois Congo (Angola, Congo et R.D.C)
ne font naturellement qu’un seul pays.
|
En 1887, Papa Simon Kimbangu naquit au
sein du peuple Kongo à qui Kimpa Mvita, une prophétesse
brûlée vive pour une prétendue hérésie,
avait prédit la naissance d’un sauveur noir
nommé « Kimbangu ». Jusqu’à
ce jour, la tradition orale rapporte que chez les Kongo
quand il y avait un mort-né dans une famille donnée,
on évoquait un puissant esprit appelé «
Kimbangu ». On chantait en langue Kikongo «
Kimbangu fula muana », ce qui se traduit en français
par : « Kimbangu ressuscite l’enfant ».
Et les enfants revenaient effectivement à la vie.
Fait curieux et troublant. A sa naissance à Nkamba
(au Congo belge à l’époque des faits),
le fils de Kuyela et de Luezi est nommé Kimbangu,
un nom sans aucun précédent familial. |
Celui-ci ne se rapporte ni à un événement
particulier, ni à un souhait clairement exprimé
des parents, ni à un souvenir précis. Par contre,
pour ce qui est de son prénom « Simon »,
un cantique kimbanguiste divinement inspiré et capté
en français établit un lien spirituel entre Papa
Simon Kimbangu et Simon de Cyrène, l’africain qui
aida Jésus Christ à porter sa croix jusqu’au
mont Golgotha où il fut crucifié.
« ...Est apparu
un nègre africain
que l’on prit de force,
pour porter la croix derrière Jésus
Oui, Dieu au secours de son divin fils
Oui, Papa Kimbangu nous t’avons reconnu...
Au Golgotha de Juda
Kimbangu était présent
A Nkamba du Zaïre Jésus Christ était
présent... ». |
Orphelin de mère dès son jeune âge, l’enfant
Kimbangu fut élevé et éduqué par
sa tante maternelle Kinzembo, sous l’oeil vigilant et
bienveillant de son père Kuyela.
« Tel est le terrestre,
tels sont les terrestres; tel est le céleste, tels
sont les célestes ». (1Corinthiens
15:48).
En effet, malgré la normalité de ses faits et
gestes, le jeune Kimbangu donnera lui-même les signes
précurseurs de sa future mission spéciale. Il
y en a plusieurs mais nous n’en avons retenu que quatre.
Un jour, en compagnie de son ami d’enfance Kumpenda,
Papa Simon Kimbangu cassa une noix palmiste pourri. De ce
fait, il tâcha la chemise de ce dernier qui lui fit
part de son mécontentement. D’un simple geste
de la main, Papa Simon Kimbangu retira aussitôt l’éclaboussure,
qu’il transforma ainsi en une noix fraîche tout
en disant: « C’est
ainsi que Jésus Christ transforme les pécheurs
». Sur le champ, papa Kumpenda la mangea
et la trouva succulente. Entre amis, il lui interdira d’en
parler.
Après un dur labeur sous le soleil ou la pluie, les
anciens avaient leur point de rencontre sous un hangar, où
ils venaient tous se rassembler pour évoquer le présent,
le passé et l’avenir. A l’occasion d’un
de ces rencontres, le jeune Kimbangu fut chargé d’aller
de case en case, récupérer pour chacun des anciens
de la nourriture et de le leur apporter sur place. Malgré
les va-et-vient, il s’acquitta de sa tâche sans
le moindre murmure. Cela valut à son père autant
de compliments dont il fut très fier. Et c’est
en cette circonstance particulière que le jeune Kimbangu
dira à son intention: « avant que tu ne naisses,
moi je fus ». Scandalisés et choqués par
ces propos, tous les anciens le désapprouvèrent.
Mais il persista et signa au grand dam de son père.
En 1906, Papa Simon Kimbangu apparu à Popokabaka (dans
l’actuelle province du Bandundu _ en R.D.C). Ayant refusé
catégoriquement sa présence sur leur terre,
les habitants de Popokabaka n’ont pas hésité
à jeter ses effets personnels dans le fleuve. Cent
et un ans après, les chefs coutumiers du Bandundu se
sont souvenus de cette terrible offense envers le Saint Esprit
et se sont précipités à Nkamba; pour
demander sincèrement pardon à Papa Simon Kimbangu
Kiangani, chef spirituel de l’église kimbanguiste.
En 1906, Papa Simon Kimbangu avait à peine 19 ans d’âge
et en mars 2007 c’est une délégation de
19 personnes originaires du Bandundu, qui sont arrivés
à Nkamba dans le cadre de cet événement.
Quelle troublante coïncidence !
En 1910, Papa Simon Kimbangu se révèle de plus
belle à ses contemporains. Il leur dit: « Je
renaîtrais en 1918 ». Le 22 mars de la même
année son épouse, mama Muilu Kiawanga Nzitani
Marie, donna naissance à un troisième fils qui
n’est autre que Papa Diangienda Kuntima.
Le premier appel du Christ à Papa Simon Kimbangu,
pour qu’il se mette enfin à l’ouvrage,
date de mars 1918. Il sera suivi de beaucoup d’autres
et ce n’est qu’en avril 1921 qu’il y répond
favorablement. Cette acceptation a eu lieu dans un contexte
de colonisation très avancée.
A l’instar de la plupart des pays africains le Congo
belge, qui a vu naître Papa Simon Kimbangu, était
elle aussi sous administration étrangère.
« Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups
que nous devions subir matin, midi, soir; parce que nous étions
des nègres... », cet extrait du discours surprise
de Patrice Lumumba du 30 juin 1960 ne traduit pas assez toutes
les atrocités subies par le peuple congolais, sous
l’autorité de la Belgique. L’exemple le
plus éloquent est celui des « kapos ».
Ces miliciens de l’anversoise ou l’ABIR (12),
qui obligeaient la population à récolter plus
de caoutchouc, n’hésitaient pas à couper
pieds et mains d’enfants; à kidnapper les pauvres
femmes pour contraindre les récalcitrants à
s'exécuter, à mutiler ou à tuer ces derniers
sans aucun scrupule.
Voici le témoignage du révérend Jhon
Harris: « Nous venons juste de terminer le petit déjeuner
lorsqu’un père africain a monté en courant
les marches de la véranda de notre maison en pisé
et a déposé par terre la main et le pied de
sa petite fille, qui ne pouvait avoir plus de cinq ans »
(13).
Hormis quelques rares missionnaires tels que le révérend
Jhon Harris (14) qui dénoncèrent les dures conditions
de la vie des indigènes, la majorité fit sienne
les quelques recommandations de Léopold II. En 1935,
un certain Mokouani Bikoko __infirmier à Kwamouth_
se rend à Bolobo et achète en chemin une bible.
En l’ouvrant, il y trouve à sa grande surprise
le fameux discours du roi des Belges du 13 janvier 1883. Nous
en relevons juste quelques points saillants:
* évangéliser les noirs jusqu’à
la moelle des os, afin qu’ils ne se révoltent
pas contre les injustices que vous leur ferez subir.
* instituez pour eux un système de confession qui
feront de vous de bons détecteurs pour dénoncer
tout noir qui aurait conscience et qui pourrait revendiquer
l’indépendance
* convertissez les noirs au moyen des chicottes...
A vrai dire, les missionnaires établis partout en
Afrique étaient partagés entre le message d’amour
du Christ et les intérêts coloniaux des métropoles.
Déjà, suspectés par les autochtones du
fait du «christianisme» qu’ils apportaient
avec eux, ils ne trouvèrent pas cette ferveur religieuse
qui caractérise les Africains et furent obligés
de recourir parfois à la chicotte pour les convertir.
C’est ainsi que les missionnaires étaient pourchassés
dans certaines contrées hostiles à leur présence.
Le cas de « Nzangamene » (15) sauvé par
mama Kinzembo n’est pas un cas isolé.
Toujours est-il qu’en 1921 le fétichisme, la
polygamie, le tabac, l’alcool, la sorcellerie, les danses
licencieuses... étaient déjà très
bien ancrés dans la culture locale. Cette année-là,
la grippe espagnole sévissait au Congo belge. Ailleurs,
partout dans le monde, la situation de l’homme noir
ne s’était pas améliorée non plus.
Si spirituellement, le temps paraissait propice pour agir,
matériellement il y avait plus qu’urgence.
Avec le soutien de sa femme et du chef coutumier Mvuti, Papa
Simon Kimbangu commença la délicate mission
à lui confiée par le Seigneur Jésus Christ.
Après qu’il eut guéri miraculeusement
mama Nkiantondo, le bouche à oreille fut le reste.
Les foules affluèrent à Nkamba pour le voir,
l’écouter, le toucher, prier, recevoir une guérison
ou une bénédiction, participer à la communion
de foi... Au vu et au su de tous, on assistait à toutes
sortes de miracles: les aveugles, les muets, les boiteux,
les sourds, les bossus, les handicapés tant physiques
que mentaux retrouvaient chacun toutes leurs facultés
physiques et mentales selon les cas.
Les morts ressuscitaient rien que par la prière et
par imposition de mains. Même ceux d’entre eux,
ayant demeuré trois jours de suite dans le séjour
des morts, revenaient à la vie. A cause de la versatilité
de la foi de leurs propres parents, certains morts ressuscitaient
pour un laps de temps et décédaient de nouveau.
Ses effets pervers se produisaient aussi dans les cas des
autres handicaps ou pathologies.
Comme il fallait s’y attendre, la réputation
de Papa Simon Kimbangu franchit le frontières, rapportée
chez eux par ceux qui revenaient de Nkamba. Ils racontaient
avec force détails ce que leurs yeux avaient vu, ce
que leurs oreilles avaient entendu et ce que leur esprit avait
ressenti au contact du « grand Esprit » noir.
Du Congo français jusqu’au Congo portugais, de
tout le Congo belge et alentours, les croyants et non croyants
se dirigeaient tous vers Nkamba; ce petit bout de terre coincé
entre les trois Congo et qui les relie en quelque sorte entre
eux. Cela ne fait que confirmer cette image symbolique utilisée
par Papa Diangienda Kuntima pour montrer l’unicité
et l’indivisibilité du Kongo. En effet, tous
les trois forment comme un corps invisible dont l'Angola est
la tête, le Congo Kinshasa le ventre et le Congo Brazzaville
les pieds.
C’est pourquoi le réveil spirituel du 06 avril
1921, qui a eu lieu à Nkamba a aussitôt embrasé
les autres Congo. Autant l’Afrique est à coup
sûr le berceau de l’humanité, autant les
trois Congo sont eux aussi le berceau du kimbanguisme; c’est-à-dire
de ce réveil spirituel dont Papa Simon Kimbangu fut
le précurseur.
Le christianisme, enseigné aux africains par les premiers
missionnaires, leur avait donné le sentiment que Dieu
ne les connaissait pas et ne pouvait se révéler
aux hommes qu’à travers le blanc. Le noir était
assimilé à Satan le diable tandis que tous les
saints étaient blancs. Et, dans cet imbroglio spirituel,
le pauvre africain ne savait pas à quel saint se vouer.
Le 06 avril 1921, tout s’éclaircit: il comprit
que le bon Dieu connaissait sa race et pouvait agir à
travers elle, que Jésus Christ n'était pas seulement
le sauveur des blancs mais également des noirs. Ainsi
donc, la brebis égaré reconnut la voix de son
berger. Toujours est-il que pour aider l’homme noir
à reconnaître sa culpabilité quant au
péché originel et à demander pardon;
il fallait un homme extraordinaire, parfait et irréprochable
capable de le lui faire comprendre avec brio. Cet homme c’est
Papa Simon Kimbangu. De ce point de vue, la date du 06 avril
1921 marque donc le début du processus de réhabilitation
de l’homme noir.
NGOMA Saturnin
05 avril 2010 NOTES
:
1. Prédiction faite par Papa Simon Kimbangu par rapport
aux indépendances africaines.
2. Philosophe et sociologue français.
3. Dipanda veut dire indépendance en lingala. «
Années dipanda »: les années des indépendances.
4. Réponse de Papa Diangienda Kuntima à la
question qui lui avait été posée par
un journaliste.
Cf: « Les actes de la conférence internationale
sur Papa Simon Kimbangu ». Page307. EKI. 2007.
5. Publication du conseil oécuménique des églises.
6. Desmond Tutu, « Prisonnier de l’espérance
». Page 57. Editions Le centurion. 1984.
7. Le fait que Dieu ait chassé l’homme du jardin
avant de le maudire, plus les 4400 ans de prison.
8. Desmond Tutu, « Prisonnier de l’espérance
». Page 25. Editions Le centurion. 1984.
9. Idem. Page 106.
10. Idem. Page 53.
11. Idem. Page 130.
12. Anglo-belgian india rubber and exploration compagny.
13. La revue pour l’intelligence du monde. Mai-juin
2006. Page 73.
14. Missionnaire baptiste anglais de « Congo bolobo
mission ».
15. Surnom donné au révérend Cameron
du fait qu’il faisait ses tournées d’évangélisation
hissé sur un dos d’âne.
Cf: Diangienda Kuntima, « Histoire du kimbanguisme ».
Page 16. Editions Kimbanguistes. Kinshasa. 1984.
|
|