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L’AMOUR, LES COMMANDEMENTS ET
LE TRAVAIL
La trilogie kimbanguiste
La pratique des slogans est très répandue chez
les fidèles kimbanguistes. S’inspirant à
la fois des messages d’exhortation et d’évangélisation
de nos trois Papas[1]
et aussi de l’actuel Chef Spirituel et Représentant
Légal de l’église kimbanguiste Papa Simon
KIMBANGU KIANGANI, certains kimbanguistes anonymes ou connus
ont su élaborer des slogans édifiants, qui traduisent
fidèlement leur volonté divine. D’autres
encore, eux aussi connus ou anonymes, ont puisé dans
le même registre des idées-phares autour desquelles
ils ont pu créer des airs d’animation[2].
Exemples :
« Finga na yo e, tonga na yo
e, Papa ajali Njambe ».
« Tu as beau médire et injurier, Papa
est Dieu et le restera ».
« Papa Simon o ya 21, ye wana
atiki liputa ye wan’alati veste e ».
« Bien qu’il ait délaissé
le pagne pour revêtir le costume, Papa Simon
(KIMBANGU) de 1921 est le même hier et aujourd’hui
».
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A vrai dire, ces slogans et ces airs d’animation prouvent
que nos trois Papas n’ont pas enseigné en vain,
et que leurs messages ont tant bien que mal été
entendus, qu’ils ont pu traverser la lisière de
notre perception. Le caractère précieux de leurs
paroles, était loin d’être pour nous, un
prêchi-prêcha. Nombreux de ceux qui s’en allaient
les écouter à ciel ouvert, sous le soleil et sous
la pluie, avaient compris et assimilé l’essentiel
de leur enseignement. Mais, on constate malheureusement qu’il
y a souvent un grand fossé entre la théorie et
la pratique.
Parlant de l’amour, des commandements et du travail,
Papa Joseph DIANGIENDA KUNTIMA disait clairement que ces trois
mots résument la bible toute entière, et qu’il
était de notre intérêt de mettre en pratique
cette trilogie, car notre avenir et notre devenir en dépendent.
Tout kimbanguiste avisé sait thématiquement
ce que veut dire « bolingo, mibeko, misala »,
c’est-à-dire l’amour, les commandements
et le travail. Mais, beaucoup d’entre nous avions du
mal à saisir la quintessence de cette trilogie.
L’amour du prochain que nous recommandait Papa DIANGIENDA
KUNTIMA n’est en rien différent de celui prêché
en son temps, par notre Seigneur JESUS-CHRIST. L’image
du « bon samaritain » que nous donne la bible
dans Luc 10 : 30 à 37 est bien celui d’un philanthrope,
d’un altruiste et d’un humaniste qui a spontanément
pour son prochain de la considération, de l’estime
et de l’amour, dépourvus de la moindre arrière-pensée.
Connaissant parfaitement les faiblesses naturelles et les
sentiments versatiles de l’homme, Papa DIANGIENDA KUNTIMA
a donné à tous les kimbanguistes, à propos
de l’amour du prochain, une véritable ligne de
conduite: « je m’aide en aidant les autres ».
En effet, quand on aime l’autre comme soi-même,
on ne peut lui causer aucun tort et dans ce cas de figure,
l’amour du prochain devient l’accomplissement
même de la loi (Romains 13 : 10 et Galates 5 : 14).
Aujourd’hui, avec la dégradation des conditions
de vie qui rendent de plus en plus incertain le quotidien,
et l’immoralité qui s’enracine durablement
dans les comportements, l’amour de la majorité
des chrétiens s’est refroidi, laissant ainsi
la place à l’égoïsme, à l’avarice,
à l’indifférence, à l’exhibitionnisme
et à la course effrénée aux biens matériels.
Tout l’intérêt de l’amour du prochain,
tel qu’il nous a été enseigné,
se trouve résumé dans 1 Corinthiens 13 : 1 à
13 : « nul ne peut être un véritable chrétien
s’il n’a pas en lui de l’amour en abondance
». Et pour que cet amour produise les bénéfices
matériels et spirituels qui vont avec, il doit être
sincère, sans intérêt, perpétuel
et destiné à toute personne créée
par Dieu sans distinction de race, ni de sexe, ni de religion,
ni de condition sociale (1 Jean 4 : 12). En tant que base
de la foi chrétienne (Matthieu 22 : 37 à 39),
le vrai amour s’exprime en toute simplicité à
travers le don, le partage, l’assistance, le pardon,
l’hospitalité… qui doivent être manifestes
en toute circonstance.
Dieu étant amour, il a créé l’homme
à son image et à sa ressemblance. Donc, par
déduction systématique, ce dernier est lui aussi
dieu (Psaumes 82 : 6 et Genèse 7 : 1) et donc amour.
S’appuyant sur cette vérité, Papa DIANGIENDA
nous exhortait à voir en chaque être humain un
autre dieu que soi-même. Il était convaincu que
si l’on pouvait atteindre un tel niveau de spiritualité,
personne n’aurait intérêt à faire
du mal à son prochain. Et, l’amour deviendrait
le principal idéal que tout un chacun se préoccuperait
de réaliser tout au long de son séjour terrestre.
Toutefois, tout kimbanguiste a le devoir de prêcher
tout autour de soi et au-delà, l’amour vrai,
expression naturelle de la considération, de l’estime
et de l’affection que chacun doit en principe éprouver
vis-à-vis de son semblable. Car celui qui aime les
autres accomplit tout simplement la loi (1 Jean 5 : 3).
Les dix commandements de Dieu confiés jadis à
Moïse (Genèse 20 : 1 à 17), donnent à
l’homme un bref aperçu sur la façon dont
il doit se comporter, vis-à-vis de son créateur
et de ses semblables. A Adam et Eve, un seul commandement
avait été donné : celui de ne pas manger
le fruit défendu.
Devenus les maîtres de la terre entière, ni Satan,
ni ses démons parachutés ici-bas pour avoir
défié Dieu, ne leur résistaient en face.
Finalement, tout a basculé le jour où Eve a
mangé « le fruit défendu », après
avoir été réceptive au mensonge sophistiqué
de Satan.
A partir de cet instant-là, ce dernier est devenu le
prince de ce monde (Jean 14 : 30 et Jean 12 : 31) auquel l’homme
a de plus en plus du mal à résister. Quoique
les conséquences éduquent mieux que les conseils,
il semble que très peu de chrétiens en général
et de kimbanguistes en particulier, se préoccupent
réellement de plaire à Dieu en respectant scrupuleusement
le décalogue.
L’excuse la plus répandue se résume en
quatre mots : « la chair est faible ». A ce propos,
Papa DIANGIENDA KUNTIMA nous avait déjà prévenus
que cette thèse est en principe trop superficielle
pour convaincre, car le Christ nous opposera l’antithèse
selon laquelle lui également avait revêtu le
corps humain; mais seulement il ne s’était pas
abonné au péché.
Devenu esclave spirituel de Satan, l’homme préfère
désormais « les passions rétrogrades à
la prière, les sensations de plus en plus fortes au
jeûne et les plaisirs mondains par excellence à
la louange ». Les dix commandements de Dieu qui leur
ont été donnés comme bouée de
sauvetage, sont bien lus et commentés dans les temples
et chapelles ; mais de moins en moins observés et pratiqués
par les chrétiens dans la vie de tous les jours. Or,
la bible affirme que l’obéissance mieux vaut
que les sacrifices (1 Samuel 15 : 22 à 23). Personne
ne peut nier le fait que « Monduki ya mondimi ezali
mabondeli »[3],
d’autant plus que la bible et les cantiques le confirment.
Mais pour que cette arme de poing qu’est la prière
fonctionne à merveille, il faut avoir à sa portée
les cartouches appropriées c’est-à-dire
les dix commandements.
Dans sa magistrale prédication du 25 mai 2003, le
révérend pasteur Elebe Kapalay avait pris le
soin d’en expliquer l’importance à l’auditoire
présent. Selon lui, Dieu est très regardant
par rapport à celui qui respecte la loi et il lui fait
connaître progressivement ses mystères. Par contre,
il tient à distance respectable ceux qui y désobéissent.
Pour rester fidèle à l’esprit de cette
prédication, il est impératif de mettre en relief
les précieux avantages dont peuvent bénéficier
celui ou celle qui se conforme à la loi. En effet,
Dieu accorde spirituellement à ceux-là une grande
sagesse, une foi inébranlable, une force de conviction,
un esprit de discernement et surtout d’insondables bénédictions….
Quiconque respecte sérieusement les fameux dix commandements
est censé en bénéficier.
La notion de travail est apparue sur terre avec la création
de l’homme. Tout au début, Adam et Eve avaient
tout en abondance et vivaient paisiblement dans le jardin
d’Eden. Le cantique « Tata Nzambe salisa biso
»[4]
le corrobore dans son dernier couplet : « Adamu na Eve
bamonaka mpasi te o kati n’elanga ya Edeni… »[5].
Si l’on s’en tient à une stricte interprétation
de la bible, on peut soutenir que la nourriture étant
assurée (Genèse 1 : 29), ils n’avaient
point besoin de chasser, de pêcher ou de labourer la
terre. D’ailleurs, en analysant bien les données
bibliques, on se rend très vite compte que nos ancêtres
bénéficiaient d’une véritable autosuffisance
alimentaire.
On suppose que ce n’est qu’à la suite
du péché originel qu’ils ont réellement
fait l’expérience du travail proprement dit (Genèse
3 : 17 à 19). Rejetés par le bon Dieu qui les
avait chassé de son paradis terrestre, Adam et Eve
étaient obligés de se débrouiller pour
survivre dans un nouvel environnement. Est-ce cela qui leur
avait inspiré l’idée de la chasse et la
pêche ? Certainement. Il est d’ailleurs vraisemblable
que la pratique de l’agriculture remonte aussi à
cette époque-là.
D’un point de vue matériel, le travail a non
seulement le mérite de nourrir l’homme, mais
surtout de lui donner un statut social et donc de le différencier
de l’animal. Ce qui a fait dire aux marxistes que «
le travail crée l’homme ». C’est
sûr que sans le travail, l’homme s’ennuierait
à mourir. Naturellement, on ne peut trouver la vie
belle que si l’on s’occupe par le travail. L’oisiveté,
elle, est la mère de tous les vices. Or, du vice au
péché, il n’y a qu’un pas. Voila
pourquoi nos trois Papas et l’actuel Chef Spirituel
Papa Simon KIMBANGU KIANGANI nous exhortent toujours à
travailler davantage. En vérité, Dieu a horreur
des paresseux et des négligents. (Proverbes 18 : 9
et 2 Théssaloniciens 3: 8 à 9).
D’un point de vue spirituel, le travail nous renvoie
tout de suite à cette formule bien connue des chrétiens
avertis: « lukuikilu luakondo mavangu luafua »,
ce qui veut dire littéralement que « la foi sans
les œuvres est une foi morte » (Jacques 2 : 26).
Une foi véritable doit produire de bons fruits et c’est
en fonction d’eux que celui qui la détient sera
rétribué.
Chaque fois qu’on participe aux diverses activités
de l’église[6],
on crédite son compte à la fois matériellement
et spirituellement. C’est en connaissance de cause que
Papa DIANGIENDA KUNTIMA encourageait chaque kimbanguiste à
s’y impliquer. Jusqu’à preuve du contraire,
le volet des œuvres au sein de l’église
kimbanguiste est intimement lié au nsinsani[7],
parce que nous n’avions pas d’autres sources de
financement. Mais le moment approche où le nsinsani
ne sera plus.
A vrai dire, au sein de l’église kimbanguiste,
le travail revêt deux aspects: le matériel et
le spirituel. Le premier, visible et concret, se fait au vu
et au su de tous. Ce qui n’est pas le cas pour le deuxième
assez difficile à cerner dans toute sa globalité.
Il importe cependant de souligner ici quelques vertus du travail
recensées par A. Cohen[8],
afin de comprendre son véritable intérêt.
Sachez donc que le travail élève l’homme
au dessus du règne animal, assure la survie de la postérité,
affranchit de la tutelle d’autrui, améliore le
train de vie quotidien, rend l’homme heureux du fait
qu’il récolte les fruits de son dur labeur et
attire sur lui une foule de bénédictions.
« Bolingo, mibeko misala », c’est-à-dire,
« l’amour, les commandements et le travail ».Cette
belle formule de Papa DIANGIENDA KUNTIMA qu’il présentait
lui-même comme le condensé de la bible n’est
pas un simple slogan; mais plutôt un message d’espoir
pour la paix dans le monde et un incontournable code de bonne
conduite qui facilite l’accès au royaume des
cieux. Le bon Dieu est-il donc si ingrat pour qu’il
ne reçoive pas, en son royaume, celui qui s’est
évertué toute sa vie sur terre, à aimer
inconditionnellement son prochain, à respecter scrupuleusement
la loi et à travailler inlassablement pour l’intérêt
général ?
En ce début du 20ème siècle, le matérialisme
s’impose désormais comme une sorte de religion
dont les supermarchés font office de temples. La profession
de foi de ses adeptes est claire : se faire uniquement plaisir.
On trouve dans « ces fameux temples », tout ce
qu’il faut pour la beauté du corps et pas grand-chose
pour celle de l’esprit.
Dans l’entendement de la plupart des gens, la vie éternelle
n’est qu’un leurre. Ainsi donc, de nos jours,
la crainte de Dieu n’existe plus. Chez les croyants
et les athées, on constate une véritable léthargie
par rapport à l’amour, les commandements et le
travail. Et les kimbanguistes ne sont pas épargnés.
De plus en plus, l’amour du prochain a pris une connotation
sexuelle. Au lieu de gagner leur vie par un travail correct,
beaucoup succombent à la tentation de l’argent
facile. Dans la société en général,
et dans l’église en particulier, la loi est constamment
bafouée par ceux-là mêmes qui devraient
la respecter.
Usant de son libre arbitre, l’homme moderne veut plus
de liberté qu’il n’en faut. Et dans cette
quête permanente, la place de choix qui revenait autrefois
au bon Dieu dans les cœurs et dans l'esprit des hommes
n’est plus que symbolique et honorifique, tandis que
le « moi » caracole au sommet sans état
d’âme. Lorsqu’on prend enfin en compte tous
les principaux signes de temps perceptibles qui s’accomplissent
au jour le jour, on ne peut que craindre que l’on ne
s’achemine petit à petit vers un monde sans foi
ni loi. Est-ce que nous n’y sommes pas déjà
? Quoiqu’il en soit, le seul rempart spirituel crédible
pour les kimbanguistes demeure la trilogie « bolingo,
mibeko, misala », c’est-à-dire, l’amour,
les commandements et le travail. Car sans véritable
amour du prochain, l’unité et la paix définitives
entre noirs et blancs ne seront que de vains mots. Sans le
respect des commandements de Dieu, le monde ne sera jamais
en paix et l’homme aura toujours tendance à se
comporter comme un animal. Tant que Nkamba n’est pas
dotée de toutes les structures d’accueil adéquates,
elle aura beaucoup de mal à assumer son précieux
statut de nouvelle Jérusalem. Et, il nous sera difficile
à nous autres kimbanguistes, de recevoir toutes les
nations de la terre (Zacharie 8 : 23).
NGOMA Saturnin
E-mail: ngoma4@voila.fr
15 août 2010
LEXIQUE
:
[1].
Papa KISOLOKELE LUKELO, Papa DIALUNGANA KIANGANI et
Papa DIANGIENDA KUNTIMA.
[2].
Ne pas confondre avec les cantiques divinement inspirés
[3].
La prière est le véritable fusil dont dispose
le croyant.
[4].
« Dieu aide-nous ».
[5].
« Adam et Eve vivaient heureux dans le jardin d’Eden
».
[6].
Il n’ y a pas une autre façon de servir Dieu
que de son vivant.
[7].
Collecte de fonds typiquement kimbanguiste caractérisée
par une forme d’émulation entre différentes
chorales…
[8].
A. Cohen, le Talmud. Edition de poche, petite bibliothèque
Payot.
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