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FAQ - Réponses aux articles de presse

L'article "L’E.J.C.S.K. a-t-elle trahi Simon Kimbangu?"
de Tendanga Ipota Bembela


Le mouvement religieux initié par Simon Kimbangu a abouti à la fondation d’une Eglise chrétienne à laquelle son successeur de fils a donné le nom d’Eglise de Jésus-Christ sur la terre par le prophète Simon Kimbangu, en abrégé E.J.C.S.K. Cette Eglise reflète-t-elle les intentions initiales du prophète mukongo ?
En analysant ou en interprétant les dires ou les actes de Simon Kimbangu lui-même et de ses fidèles, on peut penser que ce que ce prophète bâtissait non seulement avait un engagement militant très prononcé, mais, tout bien réfléchi, semblait ne plus devoir se réclamer d’un autre prophète et de Jésus-Christ en particulier ou encore du christianisme. Cette conclusion est tirée à partir des éléments suivants :
- En effet, Simon Kimbangu s’est présenté comme un prophète au même titre que Mahomet, Jésus, etc. Il affirmait avoir été appelé en songe et «directement» (sans intermédiaire) par l’Etre Suprême. Ses adeptes concevaient sa mission comme différente et opposée ou, à la rigueur, parallèle à celle de Jésus-Christ. Ils le présentaient comme « le prophète du Dieu des Nègres » par opposition à Jésus « le prophète du Dieu des missionnaires chrétiens » ou à Mahomet, le prophète des Arabes. M. Sinda synthétise ainsi cette perception :
« De même que Jésus-Christ a délivré la race blanche, Mahomet les Arabes, Kimbangu délivrera la race noire ».
H. Desroche apporte de l’eau au moulin de Simon Kimbangu et de ses fidèles :
« (…) à l’âge de quarante ans…Mahomet entre dans les transes au cours desquelles l’ange Gabriel lui révèle sa mission : celle d’un prophète arabe ».
Pourquoi pas dès lors un prophète noir, se sont dit les disciples de Kimbangu ? Cela fait penser aux vieux negro spirituals qui chantent l’attente d’un Moïse noir qui allait conduire les descendants d’esclaves vers une Terre Promise. Présenter Jésus-Christ, comme l’ont fait les premiers et authentiques disciples du visionnaire Mukongo, en tant que prophète des Blancs revient à le « dédiviniser » et à le ravaler au rang d’un simple prophète comme Simon Kimbangu présenté comme son contraire, le prophète des «Nègres ». Pour le pasteur Lembe, représentant de l’Eglise kimbanguiste en Belgique, Simon Kimbangu est un envoyé de Dieu dont il est le descendant. En ce début du deuxième millénaire, il court à Kinshasa un bruit terrible, celui de la résurrection du prophète Simon Kimbangu. Au-delà de l’aspect sûrement fantaisiste de cette nouvelle et en ne considérant que le côté symbolique, le parallélisme établi entre Jésus-Christ et Simon Kimbangu est achevé : comme le Nazaréen, le Mukongo est ressuscité après avoir souffert la passion.
· Le prophète Simon Kimbangu s’est octroyé un pouvoir non seulement de commentaire et de témoignage sur les Ecritures Saintes, mais aussi d’initiative et de décision. La doctrine religieuse de Simon Kimbangu contenait des éléments bibliques revus dans une perspective politique anti-coloniale, anti-blanche. Elle est ou plutôt elle était une réaction totale et conséquente aux conditions politiques imposées aux Congolais, contrairement aux affirmations du pasteur Béguin. Cédant, à l’époque, aux pressions de l’Eglise catholique, en particulier des pères rédemptoristes et de Monseigneur Heintz qui, comme nous l’apprend J. Chomé, porta plainte contre Simon Kimbangu « au nom de tous », le pouvoir colonial lança contre le Congolais un mandat d’arrêt en prenant pour prétexte les signes de désobéissance civile inspirée, disait-on, par lui. Lors de la condamnation à mort du prophète le 3 octobre 1921 et, dans l’un des attendus de son jugement, le Conseil de guerre colonial de Thysville (aujourd’hui Mbanza-Ngungu), dans ce qui était encore le Congo belge, a retenu contre lui comme principal grief le fait que « Simon Kimbangu s’est érigé en rédempteur et sauveur de la race noire ». C’est pourquoi son procès et sa condamnation furent comparés par ses fidèles à la comparution de Jésus devant Ponce Pilate.

· Tout en confirmant le propos précédent, le père E. Mveng ajoute un autre élément dans le chef de Simon Kimbangu, à savoir que ce dernier disait que, si le premier Christ n’a sauvé que les Blancs, le temps du salut était venu pour les Noirs. De là, à penser que le prophète était ce nouveau Christ, il n’y a qu’un pas. Au dire d’E. Mveng, Simon Kimbangu l’aurait franchi, et mort en prison, il était conscient de mourir pour sauver son peuple.
On peut donc inférer dans un premier moment, comme Lusangu S. le fait que le prophète Kimbangu, tout en se référant à la Bible, entendait fonder une religion purement, clairement, spécifiquement, authentiquement congolaise et africaine. Son projet aurait abouti, comme l’énonce le professeur V.Y. Mudimbe, à l’explosion de Jésus-Christ, à faire des évangiles une lecture nouvelle, autonome et indépendante de la patristique et des directives stratégiques de l’Eglise latine, occidentale et, enfin, à tenir compte de la conception religieuse des peuples négro-africains.
En effet, il y a lieu de penser valablement que le prophète congolais entendait se réclamer de la Bible « par-dessus l’épaule du christianisme » dont le prophète, Jésus-Christ, n’a, selon lui, sauvé que les Blancs. Mais il y a lieu aussi de croire que Kimbangu est allé plus loin encore et qu’il ne se disait plus chrétien même s’il basait son enseignement sur la Bible, qu’il entendait instituer donc une religion axée sur le fameux « volume » interprété selon les canons négro-africains et non plus selon la grille d’interprétation des pères de l’Eglise chrétienne. C’est pourquoi, sans doute, ses fidèles se signaient par la suite à l’aide d’une formule naturellement provoquante et blasphématoire aux yeux du catholicisme et qui instituait une ‘Trinité’ sui generis et dans laquelle Simon Kimbangu prend symboliquement la place de Jésus-Christ : « Au nom du père, de Simon Kimbangu et d’André Matsua ». Cette formule d’apparence naïve est, en réalité, chargée de dynamite dans son interprétation.

Une telle situation inédite, avons-nous déjà remarqué, ne pouvait arranger la puissante Eglise chrétienne coloniale et c’est pourquoi, pour déforcer les adeptes de Simon Kimbangu, on a invoqué bruyamment ou fomenté l’argument de la conversion du prophète congolais au catholicisme. Etant donné que, au départ, Simon Kimbangu était protestant, donc chrétien, sa conversion éventuelle au catholicisme ne pouvait évidemment revêtir une grande importance dans la donne de l’époque que dans cette hypothèse où il ne se disait plus chrétien. Contrairement à ce qui a été dit, cette conversion ne pouvait pas, à dire vrai, être gênante ou dirimante outre mesure pour la nouvelle Eglise kimbanguiste. Celle-ci pouvait la rejeter et l’a rejetée de fait en alléguant qu’elle a été obtenue (si elle était confirmée) dans la contrainte et dans un contexte où le célèbre prisonnier était totalement affaibli. Par contre, la situation était bel et bien traumatisante pour l’Eglise chrétienne coloniale.
A défaut d’avoir éradiqué le kimbanguisme et eu égard aux pressions internationales qui s’amoncelaient à la suite des démarches des Kimbanguistes, le christianisme colonial a revu à la baisse ses exigences et ne visait plus, dès lors et par-dessus tout, qu’à uniquement contrôler le mouvement religieux inspiré par Simon Kimbangu, à le maintenir dans son giron et à éviter qu’il ne se traduise par la mise sur pied d’une religion non chrétienne même basée sur la Bible. C’est pour cette raison que la très influente hiérarchie catholique incita l’administration coloniale acquise à sa cause à agir dans cette direction. L.M.T.M. Kanyinda révèle deux précautions prises, sur l’inspiration de l’Eglise catholique, par l’autorité coloniale dans ce sens, c’est-à-dire pour s’assurer que la future Eglise «kimbanguiste » sera bien chrétienne. La première concernait la descendance du prophète : deux des trois enfants de Kimbangu (Kisolokele Charles et Joseph Diangenda) avaient été, pendant leur jeunesse, l’objet de mesures spéciales de la part du pouvoir colonial. Fr. Mvuendy certifie que Joseph Diangenda, l’un des fils du prophète, a grandi, en partie, chez les pères scheutistes à Luluabourg (aujourd’hui Kananga) et a été préparé, à son insu (?), par le régime colonial à prendre en mains la direction du mouvement. Cet épisode rappelle partiellement celui du fils aîné du Roi Alfonso (du Manikongo) qui fut amené au Portugal à l’âge de onze ans avant d’y être sacré Evêque d’Utique.
Le 6 avril 1960 et donc peu avant l’indépendance du Congo belge, l’Eglise kimbanguiste obtint la personnalité civile. Avant cependant de reconnaître l’Eglise de Jésus-Christ sur la terre par le prophète Simon Kimbangu et, comme le rapporte L.M.T.M. Kanyinda, l’administration coloniale avait pris une précaution supplémentaire par rapport à l’objectif indiqué ci-dessus : Joseph Diangenda a dû signer une « déclaration solennelle » dans laquelle il renonçait à toute préoccupation politique et où il s’engageait à condamner toutes les pratiques fétichistes, les tremblements. La non référence à Jésus-Christ ou au christianisme dans la dénomination officielle de cette Eglise et le non-renoncement à l’activisme politique du fondateur eussent été, par conséquent, mal interprétés et auraient compromis la reconnaissance officielle tant recherchée par les continuateurs du prophète. Cette déclaration solennelle, en soi, a trahi les options essentielles de Simon Kimbangu.
Aussi l’abbé M. Ngindu a-t-il parfaitement raison de dire que « (…) l’E.J.C.S.K. ne peut prétendre épuiser la réalité du phénomène Kimbanguiste (…) ». En effet, l’Eglise du Christ sur la terre par le prophète Simon Kimbangu, instituée après la disparition de ce dernier, est, en fait, une version déviationniste, édulcorée de son projet originel et de sa pensée religieuse et est, surtout, le résultat des tractations entre les fonctionnaires coloniaux, affidés des missionnaires catholiques, et les continuateurs de ce prophète dans leur quête d’une reconnaissance officielle de la part de l’Etat colonial. C’est pourquoi on peut oser penser que, de son vivant, Kimbangu ne serait pas devenu « kimbanguiste », c’est-à-dire un adepte de l’E.J.C.S.K. Si la vision du prophète avait été respectée, cette Eglise aurait été dénommée simplement « Eglise kimbanguiste », ce qualificatif ayant alors l’acception de relatif à Kimbangu et non à Jésus-Christ.
Cependant, malgré son engagement politique et son désaccord avec le christianisme colonial, compte tenu de sa fidélité à la Bible et de son attitude envers les croyances locales, Simon Kimbangu n’est pas un prophète nigritien. L’E.J.C.S.K. n’est pas davantage un « symbole de l’africanité ». M. Sinda se fait l’interprète des observateurs qui ont pu s’étonner et qui s’étonnent encore que l’Eglise noire congolaise n’eut point, dans son désir de retour à une sorte de négritude, cherché dans le vieux fond religieux Bakongo, sinon une doctrine religieuse, du moins des points d’appui rituels ou liturgiques.
Le même auteur note que l’évolution de l’E.J.C.S.K. se fait dans le sens de l’occidentalisation, de l’acculturation, de son inféodation au protestantisme international et conclut que cette Eglise est blanche. J.M. Ela dénonce « (…) l’arrêt de l’élan prophétique des mouvements messianiques dans les nouvelles hiérarchies en place qui, en dérivant leur combat vers l’imaginaire, se laissent récupérer par les régimes les plus réactionnaires, à moins qu’elles ne se mettent directement à leur service, tel le kimbanguisme ». En effet, à la différence du nigritisme duquel nous avons dit qu’il ne peut qu’être engagé, le kimbanguisme est devenu programatiquement une Eglise dont la doctrine est purement de type évangélique, soi-disant apolitique. Son ravalement au rang d’une Eglise chrétienne protestante constitue de facto une déprophétisation de son fondateur.
En effet, les fondateurs des autres branches protestantes (Calvin, Luther…) ne sont pas ou ne se disent pas des prophètes et n’ont pas, à l’instar du Congolais, une prétention messianique. Ce sont des dissidents, des schismatiques. Simon Kimbangu n’a pas fait un schisme : il a dit avoir reçu une mission typique directement de Dieu. En outre, le christianisme étant une religion révélée par Jésus-Christ en personne, Fils de Dieu selon la croyance chrétienne, n’est-ce pas une aberration qu’il y ait un post-prophète pour en quelque sorte révéler de nouveau ce qui se présente aujourd’hui comme une sous-branche de cette même religion ?
Ensuite, reconnaître Simon Kimbangu comme un prophète, n’est-ce pas rendre contingente l’œuvre de Jésus-Christ, Fils de Dieu ? Toutes ces incohérences ne se résolvent que si l’on considère que l’initiative de Simon Kimbangu visait l’érection d’une œuvre religieuse autonome, ne relevant pas de Jésus-Christ ? En négligeant ces considérations, l’E.J.C.S.K. a trahi Simon Kimbangu.


TEDANGA Ipota Bembela


 
 
 
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