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FAQ
- Réponses
aux articles de presse
L'adhésion
au Conseil œcuménique de l'Eglise
kimbanguiste pose problème
Texte de P. Kabongo Mbaya publié
sur le site Web "reformereligion", rubrique "Afrique,
Eglise kimbanguiste"
Source : Journal Réforme N°2889 du 24/08/2000
L'adhésion au Conseil
œcuménique de l'Eglise kimbanguiste pose problème.
Une étrange sacralisation
de la dynastie kimbanguiste sur le mode trinitaire. En effet,
Simon Kimbangu avait trois fils. D'où un problème
de succession.
La trinité kimbanguiste
(Par Philippe B. KABONGO-MBAYA)
Eté 1969, le Comité
central du Conseil oecuménique des Eglises (COE) se
tient à Canterbury, en Angleterre. Parmi les sujets
: l'adhésion au COE de l'Eglise du Jésus-Christ
sur la Terre par le prophète Simon Kimbangu (EJCSK)
- en abrégé : Eglise kimbanguiste.
Née en 1921 du ministère prophétique
de Simon Kimbangu, ancien catéchiste baptiste, elle
sera reconnue légalement en 1959. En 1962, le gouvernement
congolais lui attribue des subventions scolaires. Troisième
force religieuse au Congo-Kinshasa, l'EJCSK connaît
un développement remarquable. Elle est implantée
au Congo-Brazzaville, en Angola et dans les autres pays limitrophes
de l'ex-Congo belge. Elle revendique, à cette époque,
près de trois millions de membres, et témoigne
une ouverture au monde tout à fait positive. Mais son
atout principal est la mémoire d'une persécution
sévère endurée sous la colonisation belge.
A l'époque, la candidature de l'EJCSK au COE ne fait
pas l'unanimité. Des questions sont posées ;
des méfiances s'expriment. Quelles sont les bases doctrinales
de cette " Eglise " ? Que croit-elle en matière
de Trinité ? Et ses sacrements ? S'agissant de la Trinité,
tantôt Simon Kimbangu est professé comme "
l'appui ", " le consolateur " promis par le
Christ : il a ainsi le rang et le rôle de l'Esprit saint
; tantôt on le confesse comme Christ lui-même,
mais un Christ réincarné.
Face aux questions embarrassées des théologiens
luthériens, leurs collègues réformés
firent remarquer que la figure de Luther, dans la tradition
qui porte son nom, a parfois, elle aussi, des connotations
équivoques. L'accueil du kimbanguisme au COE ne modifia
guère ses croyances et pratiques. La question christologique
et, d'une manière générale, la théologie
trinitaire restèrent " ouvertes ". Plus qu'une
christologie ambiguë, c'est l'ambivalence christologique
des dirigeants kimbanguistes, commandée par leurs intérêts
ecclésiaux et oecuméniques, qui caractérise
l'EJCSK. Par fidélité à leur mémoire
et pour éviter une fracture fatale avec la base traditionaliste
dans l'Eglise, les kimbanguistes développeront une
christologie kimbangocentrique ; mais par rapport à
la communauté oecuménique et par désir
réel d'ouverture théologique, ils se montreront
christocentriques. La sacralisation de la dynastie kimbanguiste,
sur le répertoire trinitaire (voir encadré),
paraît étrange, voire loufoque ; elle n'exprime
pas moins une crise larvée au sommet de la hiérarchie
ecclésiale. En effet, la lutte successorale mine cette
Eglise depuis le décès de son chef spirituel,
Diangienda Kuntima. Simon Kimbangu avait trois fils. L'aîné,
Kisolokele, se consacra à la politique. Les deux derniers,
Dialungana et Diangienda, dirigeaient l'Eglise. A la mort
de son frère cadet Diangienda, Dialungana devient le
chef spirituel.
"Révolution doctrinale"
Mais celui-ci étant bien
âgé et malade, la question de sa succession ne
peut être différée. Fallait-il maintenir
cette sorte de monarchie héréditaire ou désigner
le chef spirituel selon une modalité différente
et moderne ? Dans ce cas, sur quels critères ? Le modèle
monarchique parut convenir mieux en temps de crise et de transitions
incertaines. L'interprétation trinitaire des personnes
de Dialungana et de Diangienda concerne en réalité
le gouvernement de l'Eglise. Elle vise :
- l'unité doctrinale et la
cohésion institutionnelle de l'EJCSK sur
les positions ultratraditionalistes, plus rassurantes
;
- l'équilibre entre les figures mythiques
de l'autorité au sein de l'Eglise, en maintenant
une hiérarchie feutrée au sein de
la dynastie : Dialungana et Diangienda étant
devenus le Fils et le Saint-Esprit de la dogmatique
chrétienne classique et universelle. Concrètement,
que signifie cela ?
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Partager le pouvoir entre les
deux fils du prophète était aisé ; le
transmettre à leurs propres fils posait problème.
Cela ouvrait une lutte de succession, sourde mais pas moins
âpre.
La conséquence spectaculaire de cette " révolution
doctrinale " est le changement de la date de Noël.
En soi, cela n'isole pas les kimbanguistes. Les orthodoxes
fêtent la Nativité non pas le 25 décembre
mais en janvier, à l'Epiphanie. Plaçant Noël
à la date de naissance de Dialungana, le 25 mai, l'EJCSK
conforme sa pratique à sa dogmatique de divinisation
de la dynastie de Simon Kimbangu. Ce n'est pas rien... !
Au COE, on affiche la retenue, en même temps que quelques
grincements de dents et pas seulement chez les orthodoxes.
Le Conseil oecuménique a-t-il réussi à
partager avec le kimbanguisme le minimum doctrinal commun
? Ceux qui ont souvent douté de l'" orthodoxie
" chrétienne des kimbanguistes ont sans doute
à redire.
Au Congo-Kinshasa, les catholiques romains ont toujours refusé
la création d'un Conseil d'Eglises chrétiennes,
dans la mesure où il comprendrait l'EJCSK. Sur le fond,
les protestants ne se montrent pas moins méfiants,
mais poussent malgré tout à la création
de ce Conseil. Les bouleversements qui affectent les croyances
et les pratiques kimbanguistes tendent à renforcer
chez les protestants une attitude négative. Au Congo-Brazzaville,
où l'EJCSK est membre à part entière
d'un Conseil, comprenant trois dénominations protestantes
ainsi que l'Eglise catholique, les récentes décisions
doctrinales kimbanguistes ont créé un certain
émoi.
Visiblement, le kimbanguiste moyen ne se pose pas trop de
questions. Les guerres et les crises économiques qui
ravagent l'Angola, le Congo-Brazzaville et le Congo-Kinshasa,
région à forte implantation kimbanguiste, donnent
une échelle différente des priorités
quotidiennes. A défaut de considérer ce qui
arrive aux kimbanguistes comme un syndrome du post christianisme
en Afrique, on peut le regarder comme une " dogmatique
de stress ". Cette crise théologique secoue une
Eglise dont la conscience identitaire et la crédibilité
sociale sont mises à rude épreuve depuis l'affaiblissement,
puis la chute du système mobutiste qui était
son allié essentiel.
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